1924-2024 un siècle de partage autour du livre

La nuit avec ma femme

Samuel Benchetrit

Plon

  • Conseillé par
    9 octobre 2016

    Marie Trintignant est morte il y a plus de dix ans quand Samuel Benchetrit décide de lui redonner vie, le temps d'une nuit, de lui parler, manière pudique d'esquisser un portrait de celle qui était encore sa femme lorsque Bertrand Cantat la tua. C'est aussi une manière de parler de l'amour en général, celui qui l'unit à Marie mais aussi celui qui l'unit encore à Anne, la mère de sa fille, et peut-être plus que tout à ce fils orphelin de mère. L'auteur est ici toujours dans la retenue et d'ailleurs, ce qu'il ne dit pas est aussi important que ce qu'il dit. S'il décrit la relation avec son fils, le moment où il faut annoncer que sa vie ne sera plus jamais comme avant, puis la vie d'après, sans Marie, s'il parle de sa fille qui un jour réclama elle aussi d'avoir la photo de la mère de son frère, il ne parle pas des autres enfants, ni des autres hommes de la vie de sa femme, sauf bien sûr de Bertrand Cantat qu'il ne nomme pas et de l'autre homme de la vie de Marie dont Cantat dira qu'il prend beaucoup de place: son père. Quant aux enfants de Cantat, tout aussi victimes que les enfants de Marie, c'est par la voix de son fils que l'interrogation sur leur sort est posée et le regard que l'auteur porte sur la mère de ces enfants est empli de tendresse. C'est aussi avec pudeur qu'il évoque sa première partenaire sexuelle, celle d'avant Marie, donnant plus de poids à cet amour qui se développera ensuite. Ce livre est autant une déclaration d'affectation à Marie qu'à Anne, la mère de sa fille, dont il peint un très beau portrait. Il y a de très beaux passages, douloureux, tendres ou révoltés. Je me suis souvent dit en me promenant au Père-Lachaise qu'on visitait un lieu qui reste douloureux pour ceux qui y ont enterré les leurs. Samuel Benchetrit nous le rappelle d'une belle façon. Je ne suis pas sûre que ce livre est pour tous mais s'il a fait du bien à son auteur, ce que j'espère, je l'ai trouvé apaisant. Il prouve qu'on peut porter un manque, de la tristesse, du ressentiment et n'être ni aigri, ni vindicatif tout en rappelant le poids de la méchanceté. Il m'a sans doute touchée parce que je me souviens encore des moments à attendre des nouvelles de Marie Trintignant. Contrairement à ce que pense l'auteur d'ailleurs, je suis sûre qu'un grand nombre de ceux qui attendaient ces nouvelles n'étaient pas pris de curiosité malsaine mais étaient réellement inquiets. En quelques jours, Marie Trintignant était devenue le symbole de toutes les femmes qui mouraient sous les coups. Ne pensez pas que ce livre est triste, je crois qu'avant tout, c'est pour moi une formidable histoire d'amour qui se construit sous nos yeux entre un père et son fils forcés de chercher de nouveaux repères.