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Rouge majeur

Denis Labayle

Éditions Dialogues

  • Conseillé par
    23 février 2012

    Un roman intense mêlant force de l'art et fragilités des hommes. Coup de coeur !

    J'ai eu la chance de découvrir les écrits de Denis Labayle, dès 2002 et son premier roman Cruelles Retrouvailles qui m'avait enthousiasmé . J'ai donc lu de cet auteur « Parfum d'ébène » mais aussi « Ton silence est un baiser » que je vous conseille tous vivement ; je n'ai jamais été déçue.
    Pour en revenir à « Rouge Majeur » , Denis Labayle a choisi ici de nous évoquer, sous forme de fiction, les derniers jours du peintre Nicolas de Stael . Il met en place un dialogue , une relation entre un journaliste américain qui a traversé l’Atlantique en 1955 pour aller à la rencontre de ce formidable peintre .


    J'ai aimé très vite le ton accrocheur de ce journaliste qui revient en France avec encore en lui les douleurs de la guerre « Je trouve ces Français bien ingrats. La naïveté des uns, l'agressivité des autres, tout cela me laisse un goût amer, après tant de souffrances endurées pour assurer leur liberté. Je vois dans certains de mes interlocuteurs des caricatures de cette Europe intellectuelle toujours prompte à enseigner aux autres des valeurs qu'elle se révèle incapable de mettre en pratique . Ce continent vient de se suicider à deux reprise en un demi-siècle, et il donne encore des leçons à tout l'univers.... »
    Je trouve ,comme à chacun de ses livres, que Denis Labayle donne à nouveau une couleur à son roman ; pour Cruelles retrouvailles, elle était noire et oppressante ; pour Parfum d'ébène ,couleur chocolat et d'un souffle brulant,pour Ton silence est un baiser , des couleurs froides , du vert , du bleu et enfin pour celui ci le rouge n'apparait qu'au final du roman mais il est rempli d'une couleur sépia nostalgique et de jaillissements couleur feu. C'est le seul écrivain avec lequel j'ai ce lien de couleur ; qu'il écrive sur un des plus illustres peintres qui utilisa avec tant de force la couleur me semble donc tout naturel .
    Tout comme ici la figure de Stael est dévoilée sur tous les angles, on aperçoit toutes les aspérités de l'artiste, Denis Labayle n'oublie pas d'accorder aussi beaucoup d'importance au journaliste Jack Tiberton. J'ai beaucoup apprécié le caractère de celui ci ; ce sont deux écorchés de la vie qui se rencontrent , qui vont s'affronter délicieusement et on va apprendre à les connaître, à les aimer. L'auteur maitrise l'art du portrait mais dans de longues parties du livre il accorde aussi ses écrits parfaitement à l'art en général avec un texte proche de la poésie « Nicolas s'arrête dans un espace où la lumière se fait absente, et s'assoit sur le parapet face à la mer. Je m'installe à ses côtés. L'obscurité qui nous entoure rend l'invisible plus présent, et la mer plus inquiétante encore . Une brume lointaine ôte à la lune sa circonférence. » (…) « J'ai toujours aimé l'infini du large . Je sais depuis longtemps que ma vie sera un continuel voyage sur une mer incertaine »
    Pour moi c'est vraiment un « roman majeur » car j'ai encore ,plusieurs jours après la lecture, à l'esprit la force de ces lignes transpercées par la fragilité si abrupte de ces deux hommes. Comme Jack Tiberton , j'ai « l'impression d'entrer, par effraction, au cœur du mystère de la création. » et ce fut intensif et pas seulement instructif !.

    Évidemment je vous conseille fortement cette lecture originale et cet écrivain au style particulier et qui se révèle davantage dans chacun de ses romans dans ces confrontations soutenues entre des personnalités atypiques.
    Vous pouvez trouver ce livre aux éditions Dialogues, qui a fait un beau travail d'éditeur avec cet ouvrage dont j'ai beaucoup aimé la belle qualité du papier pour l'impression et la couverture...une peinture en présentation aurait pu être un plus mais les droits doivent être probablement très élevés !?