1924-2024 un siècle de partage autour du livre

L'odeur des planches

Samira Sedira

Le Rouergue

  • Conseillé par
    29 mars 2013

    La tête haute

    La précarité est un sujet douloureux que l’auteure connaît bien. La comédienne a longtemps brûlé les planches et puis… plus rien. Lorsque le téléphone ne sonne plus, lorsqu’on ne se sent plus désirée, il faut bien avancer. Mais que faire quand on n’a vécu que pour le théâtre ? Samira n’a pas d’autres choix que de devenir femme de ménage et la honte la consume à petit feu. L’odeur des coulisses est loin, c’est cette fois l’odeur des autres, ses employeurs, qu’elle doit supporter. Fille d’émigrés algériens, elle se souvient de son enfance, de la souffrance de sa mère tant aimée débarquant dans une France à laquelle elle ne se fera jamais. Comme elle, Samira ne se sent plus à sa place. La culpabilité d’avoir échoué la ronge car c’était elle qui devait réussir, elle qui s’était intégrée. Malgré la violence des mots, malgré la cruauté des situations, une grande émotion se dégage de ce premier récit. L’auteure refuse de se voiler la face et se confesse avec honnêteté et sincérité. Une sincérité qui touche en plein cœur. On ne sait si Samira remontera un jour sur scène mais on espère vraiment qu’elle écrira encore.

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  • Conseillé par
    8 mars 2013

    A quarante-quatre ans près avoir joué dans de grands théâtres, Samira Sedira se retrouve sans contrat et en fin de droits. Elle met des annonces pour effectuer des ménages car il faut bien vivre. Très vite, on l’appelle.

    Dans ce livre d'une extrême justesse et d’une force incroyable, l’auteure remonte le fil de ses souvenirs et raconte son nouveau quotidien de femme de ménage. Son parcours en France commence en 1969, année où elle arrive avec sa mère quelques mois après son père. L’espoir du travail qu’offrait notre pays le rendait heureux. A la place, ce sera un taudis dans un hôtel délabré et son père qui s'use au marteau-piqueur du matin au soir. Sa mère sombre dans la dépression. Cinq années plus tard, ils ont enfin le droit à un logement dans un HLM tout neuf sorti de terre et son père est O.S. L'enfant qu'elle est, est fière car son père est ouvrier spécialisé. Le désenchantent sera à la hauteur quand elle comprendra que tous avaient marqué sur leur fiche de paye cette qualification qui n’en est pas une. Sa mère vit dans le souvenir d’Oran, n’ose pas aller faire de courses. Peur et gêne de se tromper dans ce qu’il faut dire. La narratrice va connaître elle aussi ce sentiment de honte. Elle est invisible aux yeux des personnes chez qui elle nettoie et qui pourtant lui confient leur intimité sans aucune honte. Pour ne pas craquer, elle pense à son amour des planches mais culpabilise d’avoir échoué là où ses parents attendaient qu’elle réussisse. Son travail de femme de ménage est une exclusion sociale, son emploi de comédienne était la fierté de ses parents immigrés.

    Le récit de Samira Sedira n’est pas que celui d’une comédienne en fin de droits qui effectue du ménage. Non, en plus d’être le quotidien de milliers de personnes qui effectuent ce travail, il s’agit d’un récit poignant, lucide mais sans pathos sur une génération d'immigrés et sur les origines sociales. Un livre où ses souvenirs trouvent naturellement leur place et lui permettent d'être fière de qui elle est.

    Entre ombre et lumière, avec une écriture qui vient du cœur et qui porte à bout de bras les émotions, l'auteure nous dit que nul ne doit avoir honte de ses origines.
    J’ai lu ce premier très beau roman en apnée totale ! Un livre hérisson tant j' y ai inséré de marque-pages !